vendredi 12 juillet 2013

Récit : Baptême du feu


Il vient un jour où, pour beaucoup de pêcheurs à la mouche, surgit l'idée ou l'envie de tenter de prendre le roi de nos eaux, le poisson noble par excellence, le saumon atlantique, Salmo Salar.  Cette envie avait déjà fait irruption dans mon esprit depuis un an, j'ai fait ma première tentative l'année dernière mais elle ne s'est pas soldé par un combat.

Étant supposé aller à la ouananiche avec mon oncle, nous avons d'un commun accord décidé de changer nos plans et d'aller au saumon.  Les prévisions météo rendait le long voyage pour se rendre au spot à ouananiche moins profitable que prévu...  J'étais déçu, ça faisait longtemps que je voulais retourner pêcher ce spot, mais la perspective de pêcher le saumon n'était pas déplaisante pour autant.  Les puristes de biologie me diront que c'est exactement la même espèce, mais la version anadrome est un plus grand défi et revêt un cachet particulier.

Nous avons débuté notre demi journée de pêche vers 14h00, sur la Rivière à Mars à La Baie. Une quinzaine de saumons avaient déjà été pris en date du 27 juin, la plupart dans les premières fosses de la rivière, une situation normale en début de montaison.  Une cinquantaine de plus avaient boudés les offrandes des pêcheur et s'étaient rendu à la passe migratoire qui leur donnerait accès au secteur amont de la rivière.

Nos premières mouches trempèrent donc dans les fosses non contingentées en aval de la passe migratoire.  L'eau était passablement haute et trouble, en raison d'une pluie torrentielle s'étant abattue sur la région au cours de la nuit précédente.  C'était une journée sombre et nuageuse, rien pour nous aider à savoir si nous pêchions des fosses contenant du poisson.  Il fallait donc croire sans voir, une faculté précieuse à la pêche.

Pour essayer de palier à notre insuccès, nous sommes allé prendre conseil au bureau d'accueil.  Quelques numéros de fosses volent à nos oreilles et nous partons avec ces informations supplémentaires vers le secteur amont de la rivière.  Ce secteur fait plusieurs kilomètres et ne contient, selon les statistiques de la passe migratoire, qu'une cinquantaine de saumons, dont plusieurs beaux spécimens selon les dires des employés... Que cela ne tienne, on y va le tout pour le tout, il est environ 16h30 et il ne nous reste que quelques heures de clarté.

Hervé s'exécutant en bas d'une cascade
Parmi les fosses conseillées par les gens à l'accueil, nous passons à côté de la plus belle fosse que nous avions vue de la journée.  Une fosse longue et profonde, prise entre un rapide et une cascade, une aire de repos toute désignée pour un saumon en montaison.  

Hervé commence par la tête de la fosse, en bas de la cascade, pendant que j'irai arpenter en aval un beau ciré précédant le rapide à la fin de la fosse.  Je fais quelques passes sans action sur mon secteur avec des mouches différentes et je décide de remonter voir mon partenaire pour prendre des nouvelles.  Pas d'action de son côté non plus, à part une grosse bûche qu'il lui aura donné des émotions de courtes durée.

Il m'offre de prendre sa place à la tête de la fosse.  Je n'ai rien à perdre à essayer et je décide du même coup d'attacher une mouche avec des variantes de couleurs voyantes, contrairement à celles que nous avions mouillées depuis le début de la journée.  Une mouche que j'ai montée durant l'hiver correspond à ce critère, un streamer à saumon avec un corps rouge et une collerette jaune.



À peine quelques lancés plus tard, en laissant ma mouche faire sa dérive de part en part de la fosse tout en parlant à mon oncle, je vois un flash dans l'eau du coin de l’œil... Sans attendre de sentir quoi que ce soit, je lève énergiquement ma canne, ressent la tension s'installer dans la soie, la courbure s'imprimer dans le carbone et mon bras être secoué par la puissance du reflet argent aperçu la seconde d'avant ! 

Les choses sont désormais sérieuses, je suis presque pris au dépourvu suite à cette attaque surprise.  Toute l'expérience accumulée à combattre des poissons au cours des dernières années devra être mise à profit à ce moment précis.  Une multitude de gestes appris au gré des erreurs et des succès devant être appliqué au mieux de mes capacités en réponse au moindre mouvement de l'adversaire.

Le combat est intense, on dirait presque que mon adversaire est doué d'intelligence.  Il cherche les roches pour y faire frotter mon avançons, se sert du courant pour faire pression sans dépenser trop d'énergie et fera même trois sauts acrobatiques qui passeront près de me faire perdre ma prise.  À chaque ruse sa réplique, on lève la canne à bout de bras pour éviter les roches, un frein bien ajusté et le bout de la canne appuyé dans le ventre pour contrer son utilisation du courant et bien entendu la très peu gracieuse mais non moins efficace courbette pour éviter les contrecoups des sauts !

La bête finie par donner des signes de reddition, elle se laisse guider en eau moins profonde... C'est au tour de mon partenaire de faire sa part du travail, faire entrer le poisson dans le filet.  Je lui guide tant bien que mal le saumon à proximité et, d'un mouvement précis, Hervé sécurise mon premier saumon atlantique !


Un moment incroyable de satisfaction suivi d'une rapide séance de photos précéderont une remise à l'eau fructueuse.  Cette belle femelle est repartie comme une balle, j'avais pris soin d'écourter le combat en ne m'amusant pas à le prolonger inutilement.  De cette manière j'aurai peut-être la chance de la reprendre plus grosse l'année prochaine, elle ou un de ses enfants ;)

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